Abstract
En 1845, les premières concessions minières en Algérie sous domination coloniale sont attribuées à une poignée de patrons français. Parmi ceux-ci, Jules Talabot, bientôt relayé par son frère Léon Talabot, prend possession du gisement d'Aïn Mokra situé à quelques kilomètres du port de Bône / Annaba. Après un début fastidieux, le site est mis en exploitation à une échelle industrielle au cours de la décennie 1860. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le site attire des travailleurs de tous les horizons méditerranéens. Algériens, Italiens, Français, Espagnols, Maltais, et Tunisiens s'y pressent, y travaillent, y vivent ou y meurent. Leurs statuts sont variés tant vis-à-vis de la citoyenneté française que dans leur rapport au travail. Les formes de travail contraint coexistent avec celles du travail libre. Ces migrations ne sont pas seulement masculines puisque des femmes travaillent aussi sur le site dans une division genrée du travail. Le site d'Aïn Mokra se présente alors comme un observatoire d'un XIXe siècle autant colonial qu'industriel que cet article se propose d'explorer dans une démarche micro-historique.
In 1845, the first mining concessions in colonial Algeria were awarded to a handful of French entrepreneurs. One of these was Jules Talabot, soon succeeded by his brother Léon Talabot, who took possession of the Aïn Mokra deposit located a few kilometers from the port of Bône / Annaba. After a tedious start, the site was brought into production on an industrial scale in the 1860s. Until the end of the nineteenth century, the workplace attracted workers from all over the Mediterranean region. Algerians, Italians, French, Spaniards, Maltese and Tunisians migrated there, to work, live, and die. Their statuses differed, both in terms of access to French citizenship and in their relationship to work. Forms of forced labor coexisted with those of free labor. These migrations were not exclusively male, as women also worked on the site in a gendered division of labor. The Aïn Mokra mine thus presents itself as an observatory of a nineteenth century that was as much colonial as industrial, which this article sets out to explore through a micro-historical approach.