Abstract
L’histoire africaine entre le XVe et XVIIIe siècles est pensée, écrite et souvent analysée en référence à la traite négrière qui constitue une des pierres angulaires des relations internationales sur la côte atlantique d’Afrique de l’Ouest. C’est une période pour laquelle l’histoire des relations diplomatiques n’a jamais envisagé de consacrer au continent un champ d’étude car les royaumes africains n’étaient pas considérés aptes pour produire des lieux de négociations ou des espaces de diplomatie. Tout au plus, la côte occidentale d’Afrique ne compte que pour les grandes rivalités du XVIIIe siècle, dites impériales. Elle n’est importante que dans la mesure où l’Angleterre et la France y disputaient au XVIIIe siècle des comptoirs, des concessions ou possessions pour asseoir leur pouvoir de « monarchies universelles de la mer et du commerce » qu’elles aspiraient à devenir. Les puissances maritimes européennes étaient attirées par l’or, l’ivoire, la gomme et le captif. La traite négrière qui mettait en relation les puissances maritimes de l’Europe entre elles, et avec les royaumes africains, n’a jamais relevé d’une question intéressant les relations internationales. Lorsqu’elle l’était, il n’y a que la côte qui comptait comme lieu de négociations car lieu de la traite des captifs et des rivalités impériales. De ce fait, les compagnies commerciales y développaient à partir du XVIIe siècle des relations commerciales avec les souverains africains. C’est pourquoi une étude des négociations avec la France au XVIIIe siècle, dans une perspective africaine, doit étudier les ambitions politiques, économiques ou sociales du souverain africain. Elle doit analyser la vision africaine de la diplomatie et la conception des rencontres globales du souverain africain.
Au cours du XVIIIe siècle, l’expérience acquise entre le VIIe et le XVIe siècle, s’est reflétée dans l’art de négocier avec les Français. Dans ces nouvelles négociations de nature différente, la construction de l’État-ethnie qui suivit la désintégration des empires médiévaux du XVe siècle, provoquée par l’arrivée des Européens sur la côte, occupe une place importante pour l’État africain. Abordée dans ce contexte politique, la traite négrière devient un produit de la construction de l’État moderne en Afrique au cours du XVIIIe siècle. Elle est la conséquence d’une confrontation entre une culture impériale de violence esclavagiste d’origine européenne et l’émergence de l’État-ethnie en Afrique de l’Ouest, l’incarnation d’une nouvelle forme d’identité forte de la territorialité et de l’ethnicité. L’État-e thnie est organisé autour d’une forte centralisation du pouvoir politique et militaire.